Perséphone/Hadès à l’heure du confinement et du Covid-19
Les mythes et les traditions au chevet de la planète Terre Confinement…
Voilà le chemin qui, dans ce temps de pandémie, nous est indiqué et imposé. Bien sûr tout le monde n’est pas au même poste. Il y a ceux qui vivent au feu de l’urgence avec la maladie et la mort, ceux qui sont au service d’une société souffrante et ceux qui sont confinés et conduits à rentrer chez ‘SOI’, à « danser » ce mouvement vers l’intérieur, le dedans, le foyer, l’intime, la famille, convoqués littéralement à se retirer de l’urgence, de l’agitation du monde, même si l’agitation peut être grande à l’intérieur et de multiples manières.
Quoi qu’il en soit, à l’heure du printemps, à l’heure où la vie pulse, nous sommes mondialement et à nos corps défendants soumis à ce travail intérieur des profondeurs qui consiste à considérer sérieusement, avec gravité les questions existentielles, à savoir l’isolement, l’attachement, la mort, la vie ,le Sens, la liberté…car nous sommes tous touchés profondément, sans plus pouvoir nous toucher physiquement.
« La lucidité est la blessure la plus proche du soleil », disait René Char. Mais comment rester lucide lorsque tout semble s’effondrer ? Comment faire face aux différents effondrements en cours, relationnels, sociaux, cosmiques, biophysiques, économiques… ?
Que l’on soit au feu ou confiné chez soi, le processus vie/mort/vie nous travaille inéluctablement au corps-in, en dedans pour une métamorphose, car il serait sûrement encore plus anxiogène que ce ne pour rien.
Confinement au Printemps…
Équinoxe. Les jours rallongent. La vie revient à la surface de la terre. C’est le printemps ! Un printemps spécial puisque nous sommes confinés et enjoints à nous interroger sur les questions fondamentales et existentielles que sont l’isolement, la solitude, la liberté, la question et la perte de sens, la mort…[1] Question graves, profondes et qui, selon, notre façon de les traiter, feront de nous des individus reliés ou déliés…
L’heure est à la GRAVITÉ, à la PROFONDEUR et à la RELIANCE.
Que nous raconte le Printemps ? Et bien, il nous raconte que tout ce qui a été remanié et transformé sous terre en hiver a donné une terre riche de nouveaux « germes » qui vont éclore, c’est l’apparition ou la renaissance de la végétation, une lumière accrue qui s’installent progressivement dans nos vies. Un renouveau salvateur. A chaque printemps, par résonance, l’être humain s’identifie à ce renouveau. Il a fallu détruire pour reconstruire et se renouveler. Elan, éclosion, fête… Et NON ! Stupeur, sidération, tous à la maison !
Crédit dessin : Inconnu
Ici, point de printemps, car le monde arrête sa course hâtive, folle… C’est l’automne au printemps… Nous sommes convoqués à considérer collectivement les questions qui fâchent et pour lesquels nous sommes les rois du déni. Dans le confinement ou dans l’urgence, nous sommes face à nos limites existentielles les plus angoissantes, face à notre méconnaissance des rythmes profonds de notre Terre et face à nos abus insouciants et répétés !
Les traditions et les mythes nous enseignent que le printemps est un passage.
Le vrai problème en jeu lors de cette fête pascale, c’est l’ego. Mourir à l’ego. Mourir à nos prétentions en positif ou en négatif. Mourir à l’ego inférieur pour cheminer vers un ego lumineux. Mourir à ses jeux masqués, à sa PERSONA-lité pour aller vers plus d’IN-dividualité. Du Multiple à L’UN. De la dualité à l’UN. Nul doute que c’est un combat parce que l’ego, lui, le nôtre, ne veut pas lâcher. Sa plus grande peur d’ailleurs, c’est de lâcher. Il ne veut pas mourir, se transformer, muter. Il a peur du changement. Il s’accroche à ce qu’il connaît, à ce qui a fonctionné quand même pas mal jusque-là.
Et ceci vaut aussi pour l’ego collectif. Tous dans le même bateau comme on dit !
Bien, nos egos sont servis ! Le coronavirus, dans un contexte d’effondrement déjà en cours, nous a mis à genoux, plus proche de la terre, plus proche de l’humain en souffrance ! Plus humble ! Allons-nous entendre le message ? Le mot humilité vient du latin humus. Rendre la tête et le cœur humbles, rendre les armes, rendre notre arrogance, se rendre, tout en combattant dignement ce qu’il y a à combattre.
Les traditions et les mythes nous enseignent cela.
La roue de médecine amérindienne sur l’axe des orients Est-Ouest nous convie à cette introspection à l’Ouest pour permettre cettemort de l’ego à l’est. Alors cet axe sur lequel nous revenons encore et encore en thérapie ou développement personnel ouvrira l’espace de l’inspiration et du spirituel incarné dans le sens d’être inspiré.e et bien là sur terre.
Crédit Photo : Collection personnelle
D’un point de vue symbolique encore, les archétypes Perséphone/Hadès nous éclaire également.
Pour illustrer ce retour du printemps et honorer ce dialogue entre intériorité et extériorité, introspection et inspiration, je vous propose de vous emmener dans un voyage intérieur à la découverte du mythe de Perséphone et Démeter.
Rappelez-vous. Démeter, la Grande Mère a une fille Coré avec qui elle a une relation fusionnelle, viscérale, voire d’emprise. Le père de Coré, Zeus, a promis sa fille à Hadès, le Dieu du Royaume souterrain, le Royaume des enfers et des Morts.
Crédit photos : Decorar per arte – Perséphone – Démeter
À l’insu de Démeter, un jour, Hadès jaillit de la terre sur son char propulsé par de vigoureux coursiers noirs et enlève Coré qui se retrouve de fait l’épouse d’Hadès et devient ainsi Reine des Enfers, Reine du Monde souterrain. À ce titre, elle change de nom et est dorénavant nommée Perséphone, elle change d’identité.
Démeter, sa mère, la cherche partout, aux quatre coins du monde. Elle ne la trouve pas à la surface de la Terre. Bien qu’elle en ait fouillé tous les recoins. Elle est dans son errance guidée par Hécate, Déesse de la Lune qui l’emmène voir Hélios, le Soleil, qui voit Tout ce qui se passe sur terre et lui apprend ce qui s’est passé.
De désespoir, de rage, par vengeance aussi, elle fait en sorte que la nature prenne les apparences de la mort. Tout sur Terre devient froid et sec, comme si la vie s’en était retiré. La tristesse se répand sur la terre.
Zeus essaie de convaincre Démeter de revenir sur le mont Olympe, de redonner vie à la vie sur terre. Que la vie retrouve ses odeurs, ses couleurs, ses saveurs ! Mais rien y fait.
Au bout de quelque temps, finalement, Zeus accepte que Perséphone revienne sur terre mais à la condition qu’elle n’ait rien mangé aux Enfers. Or, Perséphone a accepté quelques grains de grenade que lui a offert son époux Hadès, au grand désespoir de sa mère. Ils arrivent cependant à un accord et Perséphone pourra passer les 2/3 de l’année sur terre et 1/3 avec Hadès sous terre.
Bien sûr, vous aurez compris que ce tiers de l’année est l’hiver et que les deux autres tiers sont le printemps, l’été et l’automne.
Ainsi, nous pouvons célébrer depuis le weekend dernier le retour du printemps et donc de Perséphone à la surface de la terre, en sentir les effets dans la nature et dans notre corps.
Mais ce qui est remarquable, c’est de savoir que Perséphone est capable d’habiter autant sur terre que sous terre, autant en se retirant de la vie sur terre qu’en y revenant. Et nulle part il n’est mentionné dans le mythe qu’elle est malheureuse sous terre dans les Enfers, bien qu’elle ait été enlevée. Il semblerait même qu’Hadès soit un Dieu juste qui assume sa mission avec respect, sa tâche de Dieu du Royaume souterrain et que sa relation avec Perséphone soit harmonieuse.
Cette double nature est essentielle. Perséphone est ce féminin sacré qui montre le chemin vers l’intérieur, sous la terre dans un devenir radical, car elle est « ravie » par Hadès dans le royaume des morts de façon brusque et imprévisible (parfois il n’y a pas de choix). Elle y change d’identité, elle était Coré « la jeune fille », elle devient Perséphone. Plus rien ne sera comme avant. Elle confronte la réalité, elle ne correspond plus aux attentes de l’autre, cesse de déléguer son pouvoir et parce que le mythe nous dit qu’elle s’unit à elle-même au plus profond, qu’elle plonge dans les sombres et fertiles zones inexplorées de l’inconscient, elle devient alors Reine, puissante médiatrice entre deux mondes, déesse du printemps et du renouveau.
C’est ce à quoi l’invite Hadès.
Dieu du royaume des morts, de l’Inconscient. Perséphone en s’unissant à Hadès découvre tout ce qu’elle ne connaît pas d’elle. Le monde de l’inconscient nous saisit brutalement comme Hadès saisit Perséphone pour en faire sa femme et lui permettre d’explorer le visage sombre et caché de la « force », d’explorer l’âme, d’en faire jaillir des richesses dont on ne soupçonnait pas même l’existence. Et pourtant, cette rencontre qui est richesse fait peur ! Pluton, associé au Dieu Hadès, signifie « Le Riche ».
Hadès, c’est Pluton. Si l’on regarde le glyphe/symbole de la planète concernée (voir ci-dessus). Nous obervons une partie inférieure et supérieure. Si la barre horizontale signifie la terre, il y a un au-dessus de la terre qui tient deux voies qui, inexorablement se séparent, le masculin et le féminin « au hasard ». Par chance, elles peuvent peut-être se retrouver sur une voie centrale et verticale en un en-dessous de la terre. A noter donc que, pour que la rencontre soit optimale, généreuse et riche, il convienne de passer sous la barre horizontale pour se retrouver dans l’UN, le cercle, sous la terre, à savoir faire corps avec l’énergie de cet archétype Hadès pour trouver la lumière au plus profond de l’obscurité. Ici sous la terre, dans l’UN,les contraires se marient et ne s’excluent plus.[2] Vous aurez remarqué que ce UN là n’est pas au Ciel…
C’est donc à l’intérieur, dedans que nous avons rendez-vous… Oui, Perséphone et Hadès nous montre le chemin du dedans…
Dedans, quelque chose de nouveau commence, même si apparemment, aujourd’hui, nous sommes empêchés. Il nous revient, chacun individuellement de savoir comment nous voulons orienter ce quelque chose de nouveau ? Car, même si nous sommes agités de fond en comble, parce que nous ne pouvons pas nous agiter comme d’habitude, il semble qu’il y ait une réorientation à donner à cette énergie. Car dedans, ça pousse.
Ça pousse à l’intérieur, pour agrandir en nous l’espace, nous réinventer, trouver la liberté d’être soi, nous relier à la magie de l’Univers ! Puisque nous ne pouvons plus librement arpenter le monde, il nous reste la verticalité, entre Terre et Ciel, la nature sauvage intime, la solitude intentionnelle, l’Essence-Ciel, le rêve de nouveauté.
Et c’est dans l’union de Perséphone et d’Hadès que cela se vit, dans la grotte, l’intime de soi, sous la terre, à la maison, dedans…
La voie du dedans ou » S’en sortir sans sortir » ?
Une crise est aussi une opportunité nous dit la langue chinoise.
Une opportunité pour :
– contempler cette pause collective où toute la planète est convoquée après la stupeur, la sidération, les émotions ou pendant….
– se laisser travailler dans le confinement ou l’urgence par ces questions existentielles : que faire de nos peurs, que faire de nos échos mémoriels (fins du monde, exodes, épidémies,…), que faire de sa solitude, de son ennui, de sa colère, de notre manque de liberté, de la question de la mort ;
– envisager le dépassement de soi, et du Nous, car nous sommes des êtres de dépassement ;
– s’isoler pour ceux qui peuvent et ré-FLECHIR (fléchir le genou, l’ego, mettre un genou à terre) et réfléchir à qui je suis, qui nous sommes, à ce qui est ESSENTIEL (considérer ce qui rapidement devient superflu) ;
– considérer cette chose étrange : c’est quand nous sommes chacun isolés que nous nous sentons plus connectés les uns aux autres ;
– prendre soin de soi : combien de fois n’avons-nous pas écrit ou dit cette simple phrase ces derniers temps (prendre soin de soi en général pour se respecter, écouter ses rythmes propres et pas ceux du monde qui font de nos vies des vies vécues à la hâte, prendre soin de son système immunitaire) ;
– prendre soin de Terre-Mère : nous sommes en grand stress, mais avons-nous considéré qu’elle l’est tout autant que nous car c’est finalement tout le système qui est en stress permanent ;
-et, donc revoir notre relation à la nature : nous sommes de manière incorrigible autocentrés, nous aimons nous écouter nous-mêmes, mais écoutons-nous la nature, ce qu’elle a à nous dire…
IL semble que nous n’ayons plus le choix. Assumons donc cette double nature. Et acceptons cette Voie du Dedans… Acceptons de nous laisser travailler dans nos terres profondes vers des valeurs essentielles et sensibles, certainement plus féminines et solidaires. Nous verrons bien assez tôt, quand Hadès/Pluton aura opéré, comment Perséphone nous reviendra…
En lisant de-ci, de là, j’ai capté cette définition du mot confinement :
« Confinement : Ensemble des conditions dans lesquelles se trouve un explosif détonant quand il est logé dans une enveloppe résistante. »
Prenons soin de nous tous !
Psychothérapie Intégrative – Psychothérapie Initiatique – Ecoféminisme – Ecopsychologie – Ecothérapie – Archétypes – Psychothérapie – Conscience – Conscience féminine – Printemps – Saisons – Ego – Vie/Mort/Renaissance – Cycles de la Nature
[1] Cf Irvin Yalom, Thérapie Existentielle
[2] Merci Christian DUCHAUSSOY https://www.youtube.com/watch?v=LkabpLI7QBY&feature=share&fbclid=IwAR3f61T2ILJcg76F81pdaBCK2F9lm69Mn07X6xrsx9B6jAJb-yRYTtiAZsM